André LEWIN

L’ancien ambassadeur de France en Guinée (1975-1979), M. André LEWIN s’est éteint le jeudi 18 octobre 2012. Ironie du sort, la date de son décès coïncide au quarantième anniversaire de l’exécution nocturne de 70 prisonniers du Camp Boiro par le dictateur Sékou TOURE.

Pour la mémoire de beaucoup de Guinéens, M.LEWIN a symbolisé le rapprochement entre la France et la Guinée. La visite officielle qu’effectue en 1978 M. Valéry Giscard D’ESTAING alors Président de la République Française réchauffe les relations entre les deux pays.

En effet, à la suite du non au référendum du 28 septembre 1958, qui scella l’accession immédiate de la Guinée à l’indépendance, les relations franco-guinéennes furent rompues. Ce climat de suspicions et de guerre secrète subsista pendant plus d’une décennie. C’est de son poste aux Nations Unies auprès de M. Kurt WALDHEIM, alors secrétaire général que M.LEWIN entama avec succès une mission de bons offices et de médiation entre l’Allemagne Fédérale, la France et la Guinée.

La normalisation des relations diplomatiques avec Bonn et Conakry survint en 1974 et le 14 juillet 1975 la France et la Guinée mirent fin à la longue brouille entre les deux pays. Concomitamment, une quarantaine de prisonniers furent libérés parmi eux 25 français, 3 allemands et l’archevêque de Conakry Mgr Tchidimbo.

Durant son séjour à Conakry, l’ambassadeur de France a contribué efficacement à rompre l’isolement diplomatique de la Guinée, c’est ainsi qu’en mars 1978 les présidents Houphouët BOIGNY de la Côte-d’ ivoire, Léopold Sédar SENGHOR du Sénégal et Sékou TOURE de la Guinée se réconcilièrent sous l’égide du Président William TOLBERT du Libéria.

La politique de détente pratiquée à l’extérieur qu’épousa Conakry à l’époque fut contrebalancée par un durcissement à l’intérieur par l’arrestation du premier secrétaire général de l’OUA, M. DIALLO Telly et la déclaration de « guerre contre les peuls » que lança en 1976 le dictateur.

La révolte des femmes en août 1977 provoquée par la famine qui sévissait dans le pays que l’option collectiviste du régime avait engendrée obligea Sékou TOURE a lâché du lest par une timide libéralisation des activités économiques.

Acteur et témoin à la fois de cet épisode de notre histoire, M.LEWIN l’a restitué en publiant aussi bien une biographie de DIALLO Telly que de Sékou TOURE. Son intérêt pour la Guinée et pour les Guinéens a été constant.
C’est en tant que Ministre de la Réconciliation Nationale du Gouvernement d’ouverture de Ahmed Tidiane SOUARE (juin -décembre 2008) que je l’ai approché. L’objectif était de préparer l’organisation d’un colloque scientifique sur le passif historique de la Guinée dans le sillage du cinquantenaire de l’indépendance nationale. Avec le concours de Mme Aicha BAH ancienne directrice à l’UNESCO, nous ambitionnions de rassembler des experts tant étrangers que nationaux pour échanger et apporter leur éclairage sur les périodes sombres que les Guinéens ont vécues.

Ce devoir de mémoire paraissait essentiel pour une réelle dynamique de réconciliation nationale. En effet il est illusoire de prêcher le pardon ou l’oubli sans la connaissance de la vérité historique avec ses pages de gloire et de barbarie. Le projet n’a pu aboutir, car entre-temps le CNDD de Dadis CAMARA avait pris le pouvoir.

Pour sa contribution pour désamorcer des crises majeures comme celle de la Marche Verte d’Hassan II du Maroc, et celle de la Casamance par le rapprochement entre le Président DIOUF et l’abbé Diamacoune SENGHOR leader des séparatistes, André LEWIN a montré au-delà de sa fonction d’ambassadeur de France, qu’il est un profond humaniste et un citoyen du monde. A son pays, à ses amis et à sa famille, mes sincères condoléances. Que son âme repose en paix.

Par BAH Oury

Vice-président de l’UFDG

BAH Oury

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